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SANTE. « La professora va vous recevoir… »: la phytothérapie comme réalisation d’une véritable service public de la médecine
Par Florent Blanc. A l’Université Fédérale du Maranhao, la professora Terezinha Rêgo (Département de Pharmacie) reçoit les plus démunis des habitants de Sao Luis et des campagnes environnantes, dans son dispensaire. Spécialisée en botanique, en pharmacologie et en médecines traditionnelles, cette phytothérapeute reconnue assure un véritable service public de la médecine à l’aide d’espèces locales qui poussent dans le jardin botanique attenant au dispensaire. La foule qui se presse lors des consultations révèle certaines lacunes de la médecine moderne et des systèmes de protection sociale à offrir des traitements simples et peu coûteux pour soigner les dysfonctionnements du corps les plus courants.
Il fait déjà près de 35 degrés en ce petit matin de décembre et plusieurs personnes âgées accompagnées d’une nièce ou d’une parente attendent sur les bancs en bois qui longent le mur du dispensaire de la professora Rêgo, à l’Université Fédérale du Maranhão à Sao Luis (Brésil). La salle d’attente climatisée est bondée. Des hommes, des enfants, des femmes. Tous se pressent pour voir la professora. Une secrétaire fait barrage derrière un bureau dont le bois, malgré la climatisation, présente des signes de putréfaction tant l’humidité est une constante.
En attendant que la professora finisse sa consultation, et afin de ne pas rogner sur le temps déjà rare qu’elle peut consacrer aux patients, c’est son assistante, Kallyne Bezerra Costa, qui l’accompagne depuis vingt ans, qui a bien voulu répondre à mes questions.
Les conversations que j’ai eues à propos du rôle de l’UFMA auprès des communautés démunies de la ville de Sao Luis et de l’Etat du Maranhão, m’ont toutes conduit vers la professora Rêgo. Plusieurs personnes ont tenu à me montrer ses remèdes dans leurs armoires à pharmacie. Unanimes, elles m’ont incité à aller la rencontrer. Soigner par les plantes est loin de représenter une nouveauté et pourtant.
Pour la professora Rêgo, ce qui prime, ce n’est pas l’invention de nouveaux remèdes, mais le perfectionnement de l’emploi des plantes du Maranhão pour traiter les affections les plus courantes, celles qui empêchent les plus démunis de pouvoir vivre et travailler.
La professora, a plus de 80 ans, traite ainsi, par des décoctions et des tintura, le diabète, la tuberculose, l’emphysème, les problèmes gastriques, mais aussi les sinusites. En se concentrant sur l’étude du renforcement de l’immunité de ses patients, les recherches de la professora et de son équipe, ont permis de faire des avancées notoires dans la diminution de la charge virale. Son assistante nous explique que la tintura de chanana peut aider des patients atteints du virus du sida à combattre l’affaiblissement de leur système immunitaire.
Tintura, sirops, décoctions, applications cutanées. Les plantes du jardin du dispensaire représentent un herbier de potions (presque) magiques. Sauf qu’elles n’ont rien de magique, bien au contraire. L’anatto, pris en sirop, traite la tuberculose et l’emphysème. Les prunes permettent de réguler les troubles intestinaux. Voir la liste des photos pour finir cette liste. Les rangées du jardin sont un catalogue de belles plantes dont le nom et la fonction sont indiqués sur des petits panneaux. L’étonnement succède à l’émerveillement. Si les propriétés sont réelles, et démontrées dans le cas de la professora par des publications scientifiques, ces plantes doivent être maniées avec soin précise son assistante.
Le dispensaire de la professora est à comprendre dans l’écosystème de l’université brésilienne dont la fonction, fixée par la Constitution démocratique de 1988 est bien de s’impliquer dans l’amélioration de la société. Le centre de soin permet de mettre en application les recherches de l’équipe de phytothérapeutes et de fournir aux citoyens du Maranhão les plus démunis, et en priorité les enfants, une alternative à une médecine moderne sélective et souvent inaccessible pour beaucoup.
Aux cotés de la professora Rêgo, des dizaines d’étudiants se forment pour apprendre les traitements par les plantes, mais aussi la manipulation des espèces, les procédures de laboratoires, les dosages et le service aux patients. La formation est technique et de haut niveau. Elle doit permettre non seulement d’assurer la transmission de connaissances traditionnelles, ancrées dans ce territoire particulier du Maranhão, mais également garantir qu’une médecine naturelle permet d’assurer un véritable service public de la santé pour tous.
Dans un Brésil au développement ultra-rapide, les efforts pour combler les retards en matière de santé publique peuvent sembler un peu dérisoires et pourtant, l’approche suivie révèle un souci de travailler auprès des communautés locales tout en inscrivant chaque programme de prévention ou de traitement dans le cadre de campagnes d’action à l’échelle de territoires plus vastes.
Le travail de la professora Rêgo est ainsi à comprendre comme participant, à leur manière, au rapprochement tant attendu des services publics de la santé de l’Etat du Maranhãoavec les populations. Durant mon séjour sur place, Christian Delon, chercheur-professeur à l’UEMA, avait su attitrer mon attention sur la mise en place, récente, de postes médicaux avancés aux limites extérieures de la ville de Sao Luis, pour servir de lieux de triage et de premiers secours pour désengorger les hôpitaux publics mais également répondre à des besoins en matière de santé publique qui s’accroissent à mesure de l’expansion urbaine.
La quête de solutions locales, tout autant que l’emploi des plantes médicinales du territoire du Maranhão constituent donc des réponses complémentaires aux besoins de renforcement de l’intervention des services publics pour s’assurer que le développement économique rapide du Brésil s’accompagne d’efforts pour réduire le fossé qui ne cesse de se creuser entre ceux qui ont beaucoup et une population pauvre qui doit pouvoir tirer avantage de l’essor du pays tout entier.